J'écris ces lignes entant qu'un membre de la génération Y. Un membre plutôt fier et entêté. Exactement comme tous les autres en fait. Mais cet écrit n'a pas pour dessein de traiter du clash des générations ou des spécificités des milléniaux. Cette génération pour qui, sur le plan professionnel, l'apprentissage et le développement personnel sont plus importants que les récompenses financières et avec qui les turnovers ont explosé et la hiérarchie quasi militaire a perdu son sens. Loin de là, j'aimerais plutôt parler de la relation qu'a ma génération avec ses propres objectifs.
Disons que, pour nous, un objectif relève du sacré. Nous étions élevés dans le but unique de réussir, de nous surpasser, de devancer les autres, de devenir les meilleurs et de le rester. Nous étions élevés par la génération X pour qui l'organisation et l'esprit de compétition font partie intégrante du quotidien professionnel et même de la vie familiale. Contrairement à nous, la "Gen-X" a un sens développé de l'autorité et de la hiérarchie. Nous avons presque tous entendu un jour un parent nous conseiller : "Accroche-toi à tes ambitions coûte-que-coûte" ou un autre nous inciter à nous attacher à nos objectifs jusqu'au dernier souffle. Cela a fort bien sculpté la réussite des uns mais a aussi précipité la chute de plusieurs autres. Preuve à l'appui, notre soif de progresser et de gravir les échelons très rapidement, quel que soit le prix, est des plus insatiables.
Le S sacrément suicidaire !
Cette histoire de résolution et d'obstination paraît bien commencer, sauf que persévérer pour progresser n'a rien à voir avec l'acharnement aveugle autant qu'être coriace et compétitif n'a rien de commun avec l'entêtement infructueux. Nous avons tous appris qu'un objectif doit être SMART mais le S, rappelez-vous-en, ne veut nullement dire ni Sacré ni Suicidaire. Le fait de se battre jusqu'au dernier souffle, bien qu'il semble héroïque, signifie effectivement troquer sa carrière ou son bien-être contre une petite chance de réussir.
«Il y a une façon intelligente d’écrire les buts et objectifs du Management.» - George T. Doran
De chaque objectif nous sépare une distance, un chemin à parcourir. Une ligne qui ne connaît rien à la rectitude, avec des hauts et des bas et surtout des carrefours sur lesquels il faut prendre des décisions. Quel chemin prendre ? Lequel est le plus sûr ? Lequel est le plus court ? Et dans chaque décision prise, nous embrassons le risque car chaque décision requiert du temps et des efforts pour se transformer en réalité. Mais avez-vous déjà pensé à reconsidérer vos objectifs, a changer totalement de perspective ou à laisser tomber une ambition qui vous tenait tant à cœur ?
«Celui qui n'a pas d'objectifs ne risque pas de les atteindre.» - Sun Tzu - L'Art de la guerre
Les objectifs semblent avoir une dimension qui leur collent comme une ombre. Le risque. Certes, chaque ambition comporte une opportunité mais si les desseins de chacun étaient exempts de menaces, le mot ambition n'aurait pas à exister. En outre, cette probabilité d'échouer semble animer elle-même l'énergie interne qui pousse chacun à avancer. C'est pour cette raison qu'on a tous entendu dire qu'il fallait prendre des risques mesurés. La question à poser est alors de comment qualifier un risque de mesuré, de modéré ou d'équilibré ?
« Quel regret que de tout risquer en un seul combat, en négligeant la stratégie victorieuse, et faire dépendre le sort de vos armes d'une unique bataille ! » - Sun Tzu - L'Art de la guerre
Le R de la réalité risquée
Les spécialistes de la gestion des risques proposent pour chaque risque un traitement adéquat. Chaque risque est d'abord identifié, analysé puis évalué afin d'être traité convenablement. Ainsi, les menaces sont minimisées voir éliminées et les opportunités, elles, sont exploitées et améliorées. De plus, tous les professionnels du risque s'accordent à ce que chaque objectif comporte au minimum un risque et que chaque risque se définit au moins par deux paramètres qui ne sont autres que sa vraisemblance et son impact. De ce fait, si une menace guète l'un de vos objectifs, le plus judicieux est d'essayer de minimiser sa vraisemblance ou son impact ou, dans le meilleur des cas, les deux à la fois. Heureusement il n'y a pas que ces deux options. Gardez bien en tête que vous pouvez aussi ne pas prendre le risque tout simplement ou de reporter l'objectif à plus tard. Ou du moins ne pas faire tapis et risquer tous vos jetons.
« Un bon général ne doit jamais dire : Quoi qu'il arrive, je ferai telle chose, j'irai là, j'attaquerai l'ennemi, j'assiégerai telle place. La circonstance seule doit le déterminer. » - Sun Tzu - L'Art de la guerre
Le fait de détourner le regard d'un objectif n'a rien de l'abdication, pourvu qu'on garde le désir de mettre le cap vers d'autres et, pourquoi pas, d'y revenir en temps opportun. Un objectif n'a jamais été sacré et ne le sera probablement pas. La sacralité revêtirait plutôt la volonté de ne pas s'arrêter, le renoncement temporaire, le désir de réussir, l'envie de gagner la guerre et non pas une simple bataille. Je dirais que ce qui est sacré serait peut-être le temps que sacrifie chacun de nous pour atteindre ses objectifs. Le temps est la véritable denrée rare qui mériterait d'être dépensée avec beaucoup de précaution. Ceci est un appel à avoir le courage de repenser nos constances et défier les bases sur lesquelles nous étions forgés depuis notre plus jeune âge.
Alors à vos objectifs, désacralisez-les !
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